«Une fois monté sur cette tribune, l’homme qui y  était n’était plus un homme; c’était cet ouvrier mystérieux qu’on voit le soir,  au crépuscule, marchant à grands pas dans les sillons et lançant dans l’espace,  avec un geste d’empire, les germes, les semences, la moisson future, la richesse  de l’été prochain, le pain, la vie.
Il va, il vient, il revient; sa main s’ouvre et se vide,  et s’emplit et se vide encore; la plaine sombre s’émeut, la profonde nature  s’entr’ouvre, l’abîme inconnu de la création commence son travail, les rosées en  suspens descendent, le brin de folle avoine frissonne et songe que l’épi de blé  lui succédera; le soleil caché derrière l’horizon aime ce que fait cet homme et  sait que ses rayons ne seront pas perdus. Œuvre sainte et  merveilleuse!
L’orateur, c’est le  semeur. Il prend dans son cœur ses instincts, ses passions, ses croyances, ses  souffrances, ses rêves, ses idées, et les jette à poignées au milieu des hommes.  Tout cerveau lui est sillon. Un mot tombé de la tribune prend toujours racine  quelque part et devient une chose. Vous dites : Ce n’est rien, c’est un homme  qui parle; et vous haussez les épaules. Esprits à courte vue! C’est un avenir  qui germe; c’est un monde qui éclôt.»
source: Victor Hugo, Napoléon le petit  – Livre cinquième: Le parlementarisme - VI. Ce que c’est que l’orateur
27.9.06
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